March 11, 2019

Extension de la notion d’information privilégiée dans les opérations d’initiés

La notion d’information privilégiée est essentielle dans la caractérisation d’une opération d’initié, mais elle a été considérablement élargie, notamment par un arrêt du Conseil d’État rendu le 30 janvier 2019.

Est privilégiée l’information (1) qui n’est pas encore publique, (2) est suffisamment précise (se rapporte à des faits avérés ou potentiels dont un investisseur raisonnable peut déduire leur effet sur le cours des instruments financiers[1]), (3) est sensible (cet effet est conséquent[2]). Ces informations ne doivent pas être utilisées, divulguées de manière illicite, ou donner lieu à des recommandations (réutilisées ou non). En somme, il ne faut pas créer d’injustice, fondée sur ce type d’information, vis à vis des tiers investisseurs qui n’en ont pas connaissance.

Dans l’arrêt du 30 janvier 2019, il était question d’un salarié ayant utilisé les recommandations d’investissement de son bureau d’analyse, avant leur diffusion, pour réaliser des opérations dont il a retiré personnellement de belles plus-values. Selon la Haute cour administrative, ces éléments peuvent « revêtir le caractère d’une information privilégiée, notamment s’ils sont destinés à une publication prochaine, attendue par le marché, et révèlent une recommandation, émise pour la première fois ou modifiant celles précédemment émises, concernant des instruments financiers de la part de ces institutions ».

D’après le juge administratif, les publications d’un service reconnu (reconnaissance appréciée de façon casuistique) sont attendues par le marché et contribuent sensiblement à la formation du cours des instruments financiers.

Or, cet arrêt du Conseil d’État a pour singularité de porter sur des analyses qui, en l’espèce, ne devaient pas être publiées, mais diffusées seulement aux abonnés. Par ailleurs, l’information est ici jugée sensible en ce qu’elle contient un élément nouveau (avis nouveau ou modifié), sans que soit recherchée son influence sur le comportement d’un investisseur raisonnable.

Cette décision devrait donc faire évoluer les pratiques du secteur de l’analyse financière : la prévention des abus de marché devra s’étendre aux informations d’ordre semi-privé (vouées à une publication restreinte), dès lors qu’elles comportent un élément nouveau !

Saul Associés


[1] CJUE Damler 28 juin 2011

[2] CJUE SPECTOR 23 décembre 2009

March 11, 2019

La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), une bonne idée pour la défense ?

Initialement prévue pour des faits de corruption, trafic d’influence et blanchiment de fraude fiscale, la jeune convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a vu son champ d’application étendu à la fraude fiscale et non plus à son seul blanchiment, depuis la loi SAPIN II du 23 octobre 2018.

L’essor de cette mesure de justice négociée en France dépendra nécessairement de son intérêt financier, traduit par la différence entre l’amende vraisemblablement prononcée par les juridictions pénales et celle proposée dans le cadre de la CJIP pour des faits similaires. Une attention particulière sera donc accordée à la jurisprudence des tribunaux correctionnels en la matière afin d’établir une certaine prévisibilité de la peine et ainsi de déterminer la stratégie la plus avantageuse pour la personne morale confrontée à une telle situation.

Le signal envoyé par le tribunal correctionnel de Paris le mercredi 20 février 2019 par la condamnation en première instance du groupe bancaire suisse UBS, est révélateur. L’amende historique prononcée par la juridiction de fond, avec un montant de 3,7 milliards d’euros tel que requis par le parquet national financier (PNF), est l’amende la plus importante jamais prononcée par la justice française pour des faits relatifs à de l’évasion fiscale.

Il suffit de s’intéresser à l’amende proposée dans le cadre de la CJIP préalable, proche d’un milliard d’euros, soit plus de trois fois moins que la peine prononcée par la juridiction, pour percevoir l’évidente volonté des autorités françaises d’inciter les entreprises à conclure des accords transactionnels.

L’intérêt financier n’est pas le seul enjeu sous-jacent, puisque le délai de traitement de la procédure de CJIP s’est également révélé rapide. L’économie de temps, pour l’entreprise comme pour l’institution judiciaire, est donc un autre atout évident de cette mesure.

Toutefois, au-delà de ces intérêts majeurs, la CJIP peut encore questionner s’agissant de la défense de la personne morale et du rôle de l’avocat. S’il est évident que celui-ci trouve une place de choix dans la procédure notamment dans le cadre de la négociation du montant de l’amende, en même temps que le rôle du juge est réduit à la validation de la convention, il n’est pas certain que la CJIP soit toujours une solution pertinente pour la défense. En effet, bien que les textes précisent que la mesure n’engendre pas à proprement parler de déclaration de culpabilité, la CJIP induit indubitablement une forme de reconnaissance des faits de la part de la personne morale, et la défense de ses dirigeants personnes physiques, qui demeurent responsables, pourra alors s’avérer délicate. En outre, la transaction sur la peine implique la renonciation à toute défense au fond, la procédure se passant alors de la démonstration de la réalisation de l’infraction et de la preuve de la  responsabilité pénale de la personne morale mise en cause.

Enfin, face au développement de la CJIP, la question de l’application du principe de non bis in idem demeure. Si l’exécution de l’amende interdit en France toute autre poursuite pour les mêmes faits, la mise en œuvre d’une procédure étrangère similaire est-elle alors envisageable ? Dès lors qu’elle emporte une sanction pécuniaire, qu’elle fait l’objet d’une validation judiciaire, et que sa bonne exécution éteint l’action publique, il est probable que la CJIP se voit revêtir l’autorité de la chose jugée à l’échelle internationale, empêchant toute condamnation étrangère pour les mêmes faits. Toutefois, aucune décision n’a encore été rendue en la matière.

Saul Associés

March 6, 2019

Sortie du livre Un génocide pour l’exemple

Le 7 mars, c’est la sortie du livre Un génocide pour l’exemple aux Éditions du Cerf.

Fabrice Epstein, défenseur de Pascal Simbikangwa, chronique ici le 1er procès tenu en France au titre du génocide rwandais.

Saul Associés

February 20, 2019

Du changement dans le traitement des difficultés des groupes de sociétés

Il n’existe pas, en France, de régime juridique spécial pour les groupes de sociétés : le droit des procédures collectives en est la preuve. La jurisprudence s’est toujours refusée à prendre en compte la réalité économique des groupes de sociétés, qui reposent sur une synergie entre sociétés formant un « tout » économique parfois indissociable. Les juges sont restés attachés à l’autonomie de chaque société, qui constitue une personne juridique distincte.

C’est ainsi que la réunion des conditions d’ouverture d’une procédure collective est appréciée au niveau de chaque société du groupe, sans prendre en compte l’entité économique globale[1]. De la même manière, le traitement juridique des difficultés s’effectue société par société, quelles que soient les ressources de la société-mère[2]. En réalité, seule la procédure d’extension pour confusion des patrimoines des sociétés du groupe, ou pour fictivité de l’une d’entre elles, rendait indirectement compte de l’existence d’un groupe.

Cependant, la Cour de cassation, par un arrêt publié du 21 décembre 2018, fait évoluer sa position.

Elle a affirmé que « rien n’interdit au tribunal, lors de l’examen de la solution proposée pour chacune d’elles, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées pour les autres sociétés du groupe »[3].

Autrement dit, si elle ne rejette pas la théorie de l’autonomie des personnes morales, elle retient que, lorsque différentes sociétés d’un groupe rencontrent des difficultés, rien n’interdit d’élaborer un projet de traitement des difficultés cohérent pour toutes ces sociétés.

Saul Associés


[1] V. par ex., Cass. com., 3 juillet 2012, n°11-18.026.

[2] V. par ex., Cass. com., 26 juin 2007, n°06-20.820.

[3] Cass. com., 19 décembre 2018, n°17-27.947.

February 14, 2019

Saul à la 4ème édition du Grand Oral avec Assas Junior Conseil

Le jeudi 21 février à partir de 18h30, le Cabinet sera aux côtés d’Assas Junior Conseil pour la 4ème édition du Grand Oral.

Le Grand Oral permet aux étudiants de tester leur projet professionnel devant des jurys d’avocats, de magistrats, de juristes d’entreprise, de professionnels travaillant dans le secteur de la banque et de la finance mais aussi de professeurs d’Université.

Retrouvez toutes informations relatives à l’évènement sur la page Facebook dédiée.

Saul Associés

February 4, 2019

Formation à la prise de parole pour Mozaik RH

Le 4 février, la formation « prise de parole en public » reprend du service pour Mozaik RH.

#jobsforall #inégalités #discrimination #fairedeladiversitéunerichesse

Saul Associés

February 4, 2019

Formation boîte à outils de l’entrepreneur-e avec Les Déterminés

Le 8 février, nous sommes très heureux d’animer la formation « boîte à outils de l’entrepreneur-e », auprès de la nouvelle promotion des Déterminés.

Saul Associés

January 30, 2019

OPA, intérêt social et « raison d’être » de la société

Bien que la loi Florange[1] ait facilité les techniques de défense contre des offres publiques d’achat (OPA) hostiles, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises pourrait bien – incidemment – conférer aux sociétés cotées de nouveaux procédés efficaces contre ce type d’offres.

D’une part, le projet de loi PACTE prévoit dans son article 61 de modifier l’article 1833 du Code civil en indiquant que « la société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Or, par cet élargissement de la définition de l’intérêt social (voir nos commentaires précédents sur le sujet), les dirigeants d’une société cible d’une OPA hostile pourront sûrement se défendre contre une OPA hostile en arguant que l’offre de l’initiateur est en contradiction avec l’intérêt de la société. Bien évidemment, il convient d’attendre que les autorités de contrôle des marchés financiers, ainsi que la jurisprudence, précisent la portée de cette nouvelle définition.

D’autre part, le projet de loi PACTE prévoit également de compléter l’article 1835 du Code civil par un alinéa supplémentaire : « Les statuts peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité ». Autrement dit, une société pourra désormais indiquer dans ses statuts un objectif qu’elle poursuivra en dehors de son objet social (par exemple la protection de l’environnement). Or, le cas échéant, le projet prévoit que le conseil d’administration, ou le directoire, devra prendre en « considération » cette raison d’être dans ses décisions. Dès lors, la raison d’être de la société pourrait apparaître comme un outil efficace de défense contre les OPA hostiles, si elle est incompatible avec l’offre.

Quoi qu’il en soit, au fil des débats parlementaires ces dispositions sont maintenues. Les initiateurs d’offres doivent s’y préparer.Saul Associés


[1] Loi n°2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle.

January 22, 2019

Cession de la revue politique Charles

Belle endormie, la revue Charles« mook » trimestriel consacré à la vie politique française, va redémarrer courant 2019 grâce à un groupe resserré d’investisseurs.

Le Cabinet est intervenu aux côtés des Éditions La Tengo.

Le Monde du Droit s’est fait l’écho de cette opération récente.

Saul Associés

January 21, 2019

QPC et responsabilité pénale en matière de délégation de pouvoirs dans les sociétés

La responsabilité pénale des personnes morales, depuis son instauration, fait l’objet de nombreux fantasmes. Ces derniers ont pu déboucher sur diverses questions prioritaires de constitutionnalité, dont une récente dans le cadre de la délégation de pouvoirs qui retient l’attention.

Par principe, lorsque les conditions de la délégation de pouvoirs d’un employeur envers un salarié sont remplies, l’employeur personne physique est dégagé de sa responsabilité pénale éventuelle pour les actions du salarié dans ce cadre, à raison de l’article L. 4741-1 du Code du travail. En revanche, il est de jurisprudence constante que la responsabilité pénale de l’employeur personne morale est engagée, par application de l’article 121-2 du Code pénal.

Problème étant qu’il pouvait paraître contraire au principe d’égalité – garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 – d’évacuer la responsabilité pénale de l’employeur personne physique et de conserver celle de l’employeur personne morale, les deux étant des personnes juridiques. C’était une question intéressante, que l’on pensait voir arriver jusqu’au Conseil constitutionnel. Et pourtant la Cour de cassation a refusé sa transmission[1]. En effet, la réponse de la Haute cour est sans appel : nulle rupture d’égalité. Et pour cause, elle considère que « la différence de situation entre les personnes physiques et les personnes morales, qui résulte, par la combinaison des textes contestés[2], de l’impossibilité où celles-ci se trouvent de déléguer leur responsabilité pénale, en ce qu’elle permet d’assurer la répression effective des fautes commises tant par les personnes physiques que par les personnes morales, est en rapport direct avec l’objet des lois qui l’établit ».

Il ne s’agit là, par principe, que du jeu de la représentation. En effet, par la délégation de pouvoirs, on considère que le salarié devient représentant de la personne morale pour ce qui concerne le domaine de ladite délégation. Dès lors, si le représentant commet un acte pour le compte de la personne morale, c’est bien cette dernière qui est considérée l’avoir pratiqué. Rajoutons, enfin, que la solution n’est pas choquante au regard de l’égalité puisqu’il est constant que, « à situation différente, traitement différent ». Or, une personne physique et une personne morale sont deux sujets juridiques tout à fait dissemblables d’un point de vue pénal, ne serait-ce que par la faculté autonome de comportement reconnue au premier, qui est inexistante pour le second.


[1] Cass. crim., 4 septembre 2018, n°18-80.942.

[2] C. trav., art. L. 4741-1 et C. pén., art. 121-2.

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