La responsabilité civile du dirigeant à l’égard des tiers, tout comme celle des associés, est en proie à une évolution conséquente.

Depuis 2003, la responsabilité externe des dirigeants sociaux ne peut être engagée qu’en cas de faute séparable de ses fonctions, c’est à dire lorsque les dirigeants sociaux commettent « intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales »[1].

Plus récemment, la jurisprudence a tenté d’aligner le régime de la responsabilité externe de l’associé sur celle du dirigeant. Elle a considéré qu’un associé engageait sa responsabilité à l’égard des tiers en cas de « faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d’associé »[2].

La responsabilité des associés et dirigeants vis-à-vis des tiers semble donc difficile à mettre en œuvre. En effet, pour ce qui est des dirigeants, la jurisprudence ne l’admettait, à quelques exceptions près, qu’en cas de faute pénale intentionnelle.

Mais l’année 2018 a été riche en rebondissements.

D’une part, la Chambre criminelle de la Cour de la cassation ne s’attarde plus dorénavant sur l’intention du dirigeant, mais se contente de l’existence d’une simple faute pénale – intentionnelle ou non – ou d’une contravention[3].

D’autre part, la Chambre sociale de la Haute cour judiciaire, en matière de responsabilité des associés à l’égard des tiers – salariés –, n’exige plus qu’une faute constituée par une simple « légèreté blâmable » dans l’intérêt égoïste de l’associé coupable[4] (non point une faute intentionnelle d’une particulière gravité).

La responsabilité des dirigeants et des associés pourrait alors n’être plus chose rare, mais devenir un phénomène amplifié, de par l’élargissement des critères – voire le changement de ceux-ci – et la convergence de responsabilités désormais simplifiées.

Reste à savoir si la Chambre commerciale de la Cour de cassation va emboîter le pas des deux autres Chambres ou camper sur sa position traditionnelle, ce qui impliquerait une résolution des litiges différente suivant la situation en cause.

Ajoutons, enfin, que les diverses modifications envisagées par le projet de loi PACTE, notamment la modification de l’article 1833 du Code civil (voir nos commentaires précédents sur le sujet), pourraient entraîner un mouvement d’extension de la responsabilité civile des acteurs de la vie sociale.

Saul Associés


[1] Cass. com., 20 mai 2003, n°99-17.092.

[2] Cass. com., 18 février 2014, n°12-29.752.

[3] Cass. crim., 5 avril 2018, n°16-87.669 et n°16-83.961 (deux arrêts).

[4] Cass. soc., 24 mai 2018, n°16-22.881.