En matière d’abus de confiance, il est fréquent de voir le propriétaire du bien se constituer partie civile.

Mais qu’en est-il de celui qui n’est qu’un simple détenteur du bien à titre précaire ? Selon un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 mars 2019, qui s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence[2], ce dernier peut aussi se constituer partie civile.

Ici, le détenteur précaire était une société spécialisée dans la logistique qui avait conclu un contrat d’acheminement de déchets. A l’occasion de cette prestation d’acheminement, un des chauffeurs salariés du cocontractant avait eu la bonne idée de détourner fréquemment une partie de la cargaison.

D’après la « prévention » (l’ordonnance de renvoi), seule la société cliente était qualifiée de victime de l’infraction. Néanmoins, la société de logistique avait souhaité se constituer partie civile, en sa qualité de détenteur précaire du bien au moment des faits. Cette constitution avait alors été jugée irrecevable par la juridiction de première instance.

Par la suite, les juges d’appel et de cassation vont infirmer le jugement sur ce point En effet, peu importe « que la société [...] n’était pas expressément visée dans l’ordonnance de renvoi comme victime de l’abus de confiance commis par son chauffeur salarié », puisque « la désignation des victimes dans la prévention, non limitative, ne lie pas la juridiction de jugement ». En premier lieu donc, la Cour de cassation appuie l’arrêt d’appel en ce qu’il reconnaît aux juridictions de jugement la libre appréciation quant à la qualité ou non de victime. Dans un second temps, et c’est tout l’intérêt de la décision, la Cour de cassation constate que la Cour d’appel a justifié sa décision en jugeant que « l’abus de confiance peut préjudicier et ouvrir droit à réparation, non seulement aux propriétaires, mais encore aux détenteurs et possesseurs des biens détournés ».

Logique et opportune, la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation assure ainsi aux détenteurs précaires, victimes d’abus de confiance, la possibilité d’obtenir une réparation légitime en se constituant partie civile.


[1] Crim., 20 mars 2019, 17-85.246

[2] Crim., 5 avril 2006, n°05-83.130 ; Crim., 16 novembre 2005, n°05-80.540 ou encore Crim., 11 décembre 2013, n°12-86.624