La responsabilité pénale des personnes morales, depuis son instauration, fait l’objet de nombreux fantasmes. Ces derniers ont pu déboucher sur diverses questions prioritaires de constitutionnalité, dont une récente dans le cadre de la délégation de pouvoirs qui retient l’attention.

Par principe, lorsque les conditions de la délégation de pouvoirs d’un employeur envers un salarié sont remplies, l’employeur personne physique est dégagé de sa responsabilité pénale éventuelle pour les actions du salarié dans ce cadre, à raison de l’article L. 4741-1 du Code du travail. En revanche, il est de jurisprudence constante que la responsabilité pénale de l’employeur personne morale est engagée, par application de l’article 121-2 du Code pénal.

Problème étant qu’il pouvait paraître contraire au principe d’égalité – garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 – d’évacuer la responsabilité pénale de l’employeur personne physique et de conserver celle de l’employeur personne morale, les deux étant des personnes juridiques. C’était une question intéressante, que l’on pensait voir arriver jusqu’au Conseil constitutionnel. Et pourtant la Cour de cassation a refusé sa transmission[1]. En effet, la réponse de la Haute cour est sans appel : nulle rupture d’égalité. Et pour cause, elle considère que « la différence de situation entre les personnes physiques et les personnes morales, qui résulte, par la combinaison des textes contestés[2], de l’impossibilité où celles-ci se trouvent de déléguer leur responsabilité pénale, en ce qu’elle permet d’assurer la répression effective des fautes commises tant par les personnes physiques que par les personnes morales, est en rapport direct avec l’objet des lois qui l’établit ».

Il ne s’agit là, par principe, que du jeu de la représentation. En effet, par la délégation de pouvoirs, on considère que le salarié devient représentant de la personne morale pour ce qui concerne le domaine de ladite délégation. Dès lors, si le représentant commet un acte pour le compte de la personne morale, c’est bien cette dernière qui est considérée l’avoir pratiqué. Rajoutons, enfin, que la solution n’est pas choquante au regard de l’égalité puisqu’il est constant que, « à situation différente, traitement différent ». Or, une personne physique et une personne morale sont deux sujets juridiques tout à fait dissemblables d’un point de vue pénal, ne serait-ce que par la faculté autonome de comportement reconnue au premier, qui est inexistante pour le second.


[1] Cass. crim., 4 septembre 2018, n°18-80.942.

[2] C. trav., art. L. 4741-1 et C. pén., art. 121-2.